PHOTOS – Isabelle Adjani, sulfureuse et tellement sexy dans L’été meurtrier

Révélée adolescente à la Comédie-Française, Isabelle Adjani n’avait encore mis à nu que son âme. En 1983, dans L’été meurtrier, le réalisateur Jean Becker nous montre qu’elle a aussi un corps.

Peu de temps après avoir reçu le prix d’interprétation au festival de Cannes pour Possession, d’Andrzej Zulawski, arrive entre les mains d’Isabelle Adjani le script qui va la conduire en terre inconnue. L’été meurtrier. Inspirée d’un fait divers tragique avec pour décor un village du Midi écrasé par la canicule, l’histoire d’une vengeance. Celle d’une gamine, belle comme un cœur, fruit jadis d’un viol collectif, qui devenue adulte compte, en secret, faire payer les agresseurs de sa mère… C’est signé Sébastien Japrisot, auteur de polars et ami de Jean Becker qui s’apprête à le mettre en scène.

Deux ans plus tôt, les deux compères avaient déjà contacté l’actrice devenue star. Mais à l’époque Isabelle prétextait ne pas avoir retrouvé ses formes depuis la naissance de son fils Barnabé, en 1979. Le scénario comptait nombre de scènes très explicitement déshabillées où devait s’exprimer la nature provocante du personnage. « Je n’avais pas assez de culot pour incarner cette fille pulpeuse, d’une incroyable arrogance, avec sa dégaine très bikini : pas du tout mon style ! ». Conséquence, une actrice plus jeune qu’elle, Valérie Kaprisky, révélée dans un film érotique (Aphrodite, en 1982) hérite du rôle. Provisoirement. Car une nuit, au téléphone, à trois semaines du début du tournage, Isabelle se rappelle au bon souvenir de Becker. Pourquoi cela a-t-il été possible quelque temps plus tard ? « Parce que j’en avais assez de l’image puritaine qu’on avait de moi. J’avais envie de jouer avec mon corps ».

Avec un éventail de charmes (ses seins, ses fesses, ses cuisses, ses pieds) Isabelle va effectivement jouer comme personne de ce corps, tout juste « vêtu » parfois d’une paire d’escarpins rouges, rendant littéralement fou d’amour Alain Souchon, alias Pin Pon : un aimable pompier qui va s’avérer incapable d’éteindre le feu qu’elle allume dans sa vie.

Depuis Bardot et Dieu créa la femme (1956), la France qui remplit les cinémas n’a jamais vu ça. Avant de remporter le César de la meilleure actrice, plus de cinq millions de spectateurs la plébiscitent. En Angleterre, le film est interdit aux moins de dix-huit ans. Mais chez nous, le « pays de l’amour », le grand public, loin de s’offusquer, s’attache un peu plus fort encore à « Isabelle A ». Derrière tant d’impudeur, ils perçoivent la sincérité du personnage. Ses névroses. Sa douleur. « Du début à la fin, c’est vous toute crue cette Éliane ? » lui demande frémissant PPDA lors de son JT d’Antenne 2 en direct depuis Cannes. Isabelle éclate de rire. « Disons que c’est une fille qui prend des allures de vamp et d’allumeuse, pour cacher des sentiments qui sont ceux d’un cœur brisé… »

Ce n’est que trente ans plus tard qu’Isabelle a expliqué, dans une interview confessions à Madame Figaro, pourquoi elle avait réellement plongé à corps perdu dans ce rôle incandescent : besoin de transgresser l’interdit paternel.« C’est un défi que je me suis imposée, je me suis fait violence ». Son père, qui lui avait souvent dit sa fierté par ailleurs, est mort pendant le tournage. « C’était presque un soulagement car il n’aurait pas applaudi son actrice de fille ! », dit-elle en riant. Pendant des années, même après avoir quitté le cocon familial, Isabelle a continué de vivre sous la coupe morale de Mohamed Chérif, ce garagiste, homme d’une pudeur extrême, dont l’amour s’exprimait dans la sévérité. « Il avait décrété une dictature d’anéantissement du corps. Les miroirs en pied étaient inexistants à la maison et l’on ne m’a jamais dit que j’étais jolie, je ne l’ai jamais entendu (…). Ignorer son corps crée des dommages irréparables à l’âge adulte (…) On est bien dans son corps que lorsqu’on a d’abord été aimée, rassurée ». Et Isabelle ne l’était pas, ou pas comme elle l’aurait voulu. Intronisée sex-symbol le temps d’une film inoubliable, elle n’éprouvera plus la nécessité de se montrer nue, mais continuera de donner de sa personne dans des rôles d’une extrême féminité. De Camille Claudel (1998) à La journée de la jupe (2009).

Crédits photos : Sunset Boulevard